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La femme défendue regarder en ligne avec sous-titres anglais

L’attrait de la jeunesse. Lors d’une soirée à laquelle il assiste en célibataire François, 39 ans, marié à Irène et père de David, s’éprend d’une jeune femme émouvante, lumineuse et fraîche qu’il décide de reconduire chez elle. Du haut de ses 22 ans la succube Muriel subjugue le cadre en proie aux angoisses existentielles de la quarantaine qui met en place tous les stratagèmes pour lui soutirer son numéro de téléphone, sésame d’un chaste déjeuner.

LA FEMME DEFENDUE

Ce à quoi elle consent non sans avoir observé les réserves de rigueur envers l’épouse bafouée. De caresses (mains saisies comme de délicates zones érogènes) et innocuités en déclarations crûes la passion les consume rapidement jusqu’à la fusion charnelle. Mais l’adultère prend alors une étrange tournure entre candeur touchante, soumission cruelle et sadisme odieux. Tour à tour les deux personnalités sont égratignées, délabrées dans un jeu de valses-hésitations sublimes, phagocytaires et nocives, en totale implosion. Le vertige grisant les guette dans la chute claquemurée derrière les parois aveugles des sentiments ambivalents, jusqu’à heurter le seul gelé de la capitale emmitouflée par un terne et narquois hiver.

D’emblée la voix hors-champ sur fond noir (les palabres érudites, la conversation mondaine et l’expérience qui s’agrègent chez Eric Rohmer ou Manoel De Oliveira), l’homme a décidé de ne point apparaître à l’image – excepté deux reflets, saillies fugaces et obscènes qui strient la limpide mécanique conceptuelle mais qui dénotent le visage fatigué, creusé par les mensonges et les aspirations inconstantes, du Casanova manipulé – pour focaliser son regard-caméra sur la magnifique et séductrice Isabelle Carré (Beau Fixe . Se Souvenir Des Belles Choses. Le Hussard Sur Le Toit …) qui dégage les fragrances vaporeuses de la sensualité, de l’éphémère et ardente beauté de la jeunesse. Elle occupe l’écran avec une fougue irrésistible et un appétit dédaigneux s’épandant dans le moindre interstice d’un cœur frigide et dilettante. Car le choix du réalisateur des Randonneurs – tourné en parallèle – est de concevoir un long métrage en vision subjective, entièrement assujetti à la prunelle et à la perception de l’artiste. La sécheresse du style dans cet ébranlement et dérive individualistes se trouvant délectablement dopée par d'élégantes incartades. Un procédé dont il use malencontreusement avec maladresse en s’octroyant trop de latitude lors de butinages intempestifs particulièrement harassants. Comme si la rigueur attendue sur un thème aussi éculé que le marivaudage, traité frontalement, se confondait en volutes transitoires de potentialités et autre locutions surannées ou pernicieuses pour un récit frappé d’inanité, rétracté en position foetale, déjà mort ; et d’on on serait bien en peine de discerner la temporalité tant le passé disparu et la vitalité fringante prompte à éconduire obsède cet homme-cinéaste déposé aux confluent des âges endormis. Et si, en bout de course, malgré les soubresauts horripilants de son intrigue alanguie, il parvient à maintenir un semblant de cohésion il ne le doit qu’à son actrice parfaite de spontanéité qui darde sa féerique évanescence, son naturel mutin et son charisme indéniable sur une pellicule tombée en pamoison. Par-là est stigmatisé le clivage entre le mot et l’œil ainsi que la contradiction du regard d’un être sur un autre, empreint de fétichisme ou de convoitise – François persuade sa conquête de se dévêtir non sans user de moyens pécuniaires pour l'éblouir par le luxe dans un pendant de l'enchantement qu'elle lui procure par sa grâce. Comme dans Parle Avec Elle de Pedro Almodovar ou L’Interview de Xavier Giannolli, Philippe Harel entreprend la démonstration poussée à l’extrême de la faculté de la vue à insuffler la vie à un monde sans elle inerte (les premiers mots sur fond noir). si les ombres présentes dans les bars ou restaurants fréquentés par les deux personnages respirent ou s’indignent ils ne le font que lorsque la caméra se pose sur eux, avant cela ils se voient contraints de papillonner dans une stase morbide et cirée. Fantasme de démiurge, de cinéphile ou d’homme, l’artifice de la subjectivité introduit une excitante ambivalence dans l’obsession de la femme et de l’actrice, dans la propension du mâle à mettre en scène sa compagne lascive, dépendante et endogène. Mais, des tréfonds épuisés de la dépression harmonieuse (relation maritale considérée comme fonctionnelle et platonique) et de l’instabilité hébétée, le quadragénaire laminé reçoit un terrible camouflet de la jeune femme pleine d’aplomb qui n’aura de cesse de l’amener à reconnaître – comble socratique – sa contradiction piteuse puis de lui retirer férocement sa précieuse et solaire image. Insaisissable et altière, elle le pousse dans ses derniers retranchements (le test sanguin). envenime la situation (le magasin d’Irène) et plus que tout se refuse finalement à lui. Le réalisateur entreprend alors comme François Ozon dans son Gouttes D’Eau Sur Pierres Brûlantes – la pesante rhétorique amidonnée et poussiéreuse mise à part – de démonter la mécanique grinçante de la domestication du désir qui entre en déflation avec la disparition de l’insolite attrait de la nouveauté, la patine aidant, la lassitude s’abat sur un couple sans surprise prisonnier de sa triste monotonie. De naïve, Muriel se fait nonchalamment duplice et jamais François ne pourra jouir complètement d’elle, car, envoûtante et piquante, elle sait se préserver et jusqu’où s’aventurer pour ne pas être dépossédée de son image. Ceci explique sûrement que l’histoire ait perduré au-delà des draps souillés, sordides et défraîchis. L’hégémonie issante de l’œil prend un tour nouveau à l’aune de ce conte hivernal et désespéré. il est deux types de portraits, ceux que l’on contemple avec vénération et avidité dans une buée mousseuse de piété ébahie et ceux où l’on pénètre arrachant toujours plus avant les infime bribes éparses de liberté et d’essence. L’un des deux amants se vide douloureusement de sa sève par les multiples fissures qui ornent sa surface corporelle émaillée et l’autre demeure forteresse inaccessible, impavide et inébranlable, elle est animée d'une soif inextanguible de vivre – le vampirisme est semblable à l'indifférence, il frappe toutes les classes d'âges des deux sexes avec une méticulosité de métronome. plus besoin de miroir, chacun n'est que le pâle succédané de son voisin, aussi rembruni et sceptique que lui. Une antinomie des sexes pour l’aventurier égaré et la sirène perverse, perdus dans le dédale désertique et désolé d’un Paris élitiste et bourgeois à la dimension fractale. Mieux, la féminisation du mâle devient palpable dans ces longues séquences de face ou le visage entêtant de Muriel est prêt à pénétrer un subconscient offert, aux remparts largement ouverts. La disparition de l'identité sexuelle est inhérente à l'effondrement des perceptions et de l'altérité, l'omniscience factice et concaténée fait de nous, du fond de cette ergastule, les impétrants ahuris de l'hermaphrodisme stérile.

Intimité. L’aspect le plus subtil et délicieusement subversif du film est la représentation de l’intimité et de l’espace mental. retranché, barricadé et distordu à loisir. Il se confond insidieusement avec l’extérieur et, incidemment, les stimuli cognitifs basculent dans cette gangue improbable et névrosée. Rapidement les deux amants sont aspirés dans une bulle inhérente à François et dont Muriel

n’aura de cesse de se soustraire dans de déchirants et laconiques messages sur bande. Un magma protéiforme et frappé de dessiccation charriant son contingent de doubles aphasiques. D’ailleurs cet espace empesé cannibalise dans un narcissisme sonore la jeunesse et la vigueur de sa proie. Sans images, les mots résonnent dans le néant ténu et abyssal d'une conscience vétuste, à la limite de l'insalubrité (penchants scatologiques refoulés). Une conception égocentrique et onaniste du monde, départie de l’apprêt des conventions socialisantes – au volant rien ne saurait perdurer sinon la voix aigue et mélodieuse de la jeune tentatrice –, privilégiant l'éclatement à la communion pour un être qui indiciblement se met en tête de figer les choses et les êtres enchaînés à lui, forcément à la disposition permanente de sa jouissance instantanée (visuelle) puisque englués en son giron recroquevillé. Là, perle la tristesse d’un homme épris unilatéralement qui refuse obstinément le fait que sa compagne ne cherche qu’à l’éprouver et à se jouer de lui ou de ses contrariétés de gamin capricieux. Avili et entravé par l’image harcelante de la gourgandine sadisée et méphitique – au sourire ourlé et angélique autant que pavoisant – le voila qui cherche à l’admirer dans toutes les manifestations optiques jaillissant sur son iris, jusque dans le manteau neigeux de pureté virginale tenant lieu de membrane à l’interface du cœur et du regard. Il écrira alors cette phrase, «on hiberne pas une passion, on la dilue dans le quotidien ou on la tue». Incapable de ce séparer du souvenir de la nymphe blonde il préfère la projeter dans tout ce qui constitue son univers d’allégations amères et de bibelots immuables et sclérosés. Déchirant parallèle que l’achoppement du monde inerte d’un hiver urbain et prémonitoire à celui, décanté des autres et en suspension, où la caméra entraînait les tourtereaux. Dans chacun, l’homme est définitivement perdu, esseulé – comme son actrice à l’écran qui ne peut se raccrocher qu’au chatoiement d’une prunelle sur l’objectif – et tiraillé entre un monde intérieur chevillé à l’espace cinégénique (si ce n’est l’inverse) et une pléiade de pulsions inassouvies. collecter et archiver la féminité dans sa plus harmonieuse et capiteuse splendeur. Voici que les passions qui ébranlaient son cœur s’ankylosent et se délitent, il reste face au néant (dépourvu de profondeur de focale et donc de recul intellectuel), iniquement privé de son reflet et d’un contre-champ salutaire, sans diversité les perspectives stagnent et se cancérisent, il n'y a plus que lui dans un décor saumâtre de solitude introspective. Le pourrissement et l’aigreur émanent de lui seul et de son égoïsme latent, il demeure l’unique et arrogant responsable de son déclin ainsi que de la négation des sucs opulents et acidulés du désir. Même sa voix si enjôleuse laisse poindre les prémices de l'éraillement et de la déroute. Et nous, au sortir de cette épreuve futile et conceptuellement troussée nous dépassons la notion de dispositif pour nous retrouver face à nous-mêmes. créateur, acteur (identification) et spectateur, microcosme complet, autarcique et viable. Avec ce fantasme ultime, malsain et masturbatoire, ivresse et indolence nous submergent douloureusement tandis que les expressions les plus diverses continuent de flotter sur la surface dépolie du visage impénétrable et inflexible de l’œil du cyclone, la scintillante Isabelle Carré. Par son truchement éclatant et lancinant – le réalisme enivrant de la nudité confiné dans des mornes et glauques intérieurs – la rumeur désincarnée et soupçonneuse du monde nous pourfend par bribes muettes, consumées et transparentes, se repaissant de notre claustration.

L’œil du cyclone

Film français de Philippe Harel (1997). En sélection officielle au Festival de Cannes, la chute adultérine, au narcissisme aigu, d'un quadragénaire qui tend à se désolidariser du monde à force de l'inféoder à son regard. Sortie française. le 24 Septembre 1997.

Fiche technique
REALISATION
Philippe Harel
SCENARIO
Eric Assous et Philippe Harel
INTERPRETES
Isabelle Carré (Elle / Muriel)
Philippe Harel (Moi / François)
Nathalie Conio (Ma Secrétaire)
Sophie Niedergang (Ma Femme / Irène)
DECORS
François Emmanuelli
MONTAGE
Bénédicte Teiger
DIRECTEUR PHOTOGRAPHIE
Gilles Henry
COSTUMES
Valérie Pozzo Di Borgo
PRODUCTEURS
Rodolphe Pelissier-Brouet et Michel Guilloux
DUREE
98 minutes
PRODUCTION
Lazennec, La Sept Cinéma et Les Films Du Trésor